26/06/04, Irlande, Blessington

J’angoisse. Dans une demi-heure, je vais lui dire oui. Ma robe blanche me boudine, mon ventre grossi. J’avoue que je n’ai jamais été trop pour le mariage. C’est vrai, c’est beau de dire oui à une personne pour toute la vie, mais y-a-t-il vraiment besoin d’un papier pour dire qu’on s’aime et qu’on veut rester ensemble ? C’est là que je me demande comment j’ai fait pour accepter ça… La réponse ne se résume qu’à lui en fait, ainsi qu’à son enfant qui grandit de jour en jour dans mon ventre. Fille ou garçon ? Nous ne savons pas encore. Lui, il veut l’appeler Sarah, mon deuxième prénom, si jamais c’est une fille. Et il a une obsession pour Peter si jamais c’est un garçon, je ne vois pas pourquoi. Puis, nous sommes jeunes… Peut-être que c’est une erreur, peut-être qu’on se précipite, on a encore du temps devant nous. Je passe tellement de temps à réfléchir que je ne me rends pas compte que je dois y aller, j’en tremble. Mon père, agent de la police municipale vient me tendre son bras, si je ne me raccrochais pas à lui, je m’écroulerais. J’inspire un grand coup avant de me diriger vers l’autel.

7/02/11, New York

Mon mari avait fait un énième malaise cardiaque. C’est vrai, il n’était pas gâté niveau santé, il avait toujours eu des problèmes, d’une simple entorse à cette tumeur au poumon qui grandissait de plus en plus vite. Le médecin disait déjà que c’était perdu d’avance, que c’était bientôt fini et qu’il serait temps de faire nos adieux le plus vite possible. Je n’arrivais pas à supporter cette nouvelle et on pensait qu’on devrait plutôt profiter de nos derniers instants tous les deux au lieu de passer notre temps à nous morfondre. Bref, on avait tout essayé, saut à l’élastique, parapente… Un paquet de sensations fortes mais c’était tendu. Et là, alors que nous regardions un film tranquillement à la maison, il s’était évanoui. J’avais essayé de lui faire un massage cardiaque, mais ce n’était pas efficace. Je me suis précipitée vers le téléphone pour prévenir les secours, or, ils étaient longs à arriver. J’essayais encore mais en vain. Puis, ils arrivaient une vingtaine de minutes plus tard. Ils décidaient de l’emmener à l’hôpital et j’insistais pour venir. Une fois là-bas, ils s’apercevaient qu’il n’y avait plus de pouls alors ils plaçaient un défibrillateur et tentaient de le ramener. Ils ne cessaient de répéter « dégagez ! ». Je sentais que j’allais fondre en larmes, il fallait être lucide : ça ne fonctionnerait pas cette fois. Voilà, il n’était plus parmi nous, on entendait le signal comme quoi il était mort. Sous le choc, les larmes ne coulaient pas. Je ne pensais pas que ça finirait comme ça, qu’il mourrait là, sur le brancard… Je me penchais une dernière fois pour l’embrasser, déposer un baiser sur ses lèvres qui devenaient glacées.

12/02/11, New York

La douleur. Elle était présente partout. On savait que tu allais bientôt partir, on faisait des trucs de fou pour profiter de nos derniers instants passés ensemble, mais il y avait cette tension entre nous, toi qui avais peur de souffrir et moi qui savais que j’allais souffrir quand tu ne serais plus là. La tumeur grossissait et on ne pouvait rien faire pour l’arrêter… On s’aimait, ça j’en ai pas douté un instant. Je crois que tu m’aimes encore d’où tu es, de là-haut, je sais que tu veilles encore sur moi. Je n'ai même pas pu garder notre enfant à cause de cette fausse couche, je n'ai plus rien. Et là, je m’habille tout en noir pour te dire adieu… Je sais que tu aurais voulu que je sois belle alors… Je ne peux pas m’empêcher de pleurer, la neige recouvre le cimetière de Green-Wood et je vais devoir porter des lunettes de Soleil pour qu’on ne puisse pas voir mes larmes… Tous nos proches sont là, vêtus de noir, et aussi dévastés que moi. Ta mère n’arrive pas à tenir le choc, ça fait vraiment bizarre de la voir comme ça… Elle qui a toujours été si pleine de joie, en toutes circonstances… Elle n’est plus la même. T’étais obligé de partir si tôt ? Regarde tout ce que tu laisses derrière toi… C’est vrai, je n’étais pas une femme digne d’un homme exceptionnel comme toi mais… T’as réussi à me supporter, jusque-là et je me demande si je n’ai pas fini par te tuer... Putain, qu’est-ce que je m’en veux ! On aurait peut-être pu faire quelque chose, pour que tu restes plus longtemps, que tu me laisses pas dans cette saloperie de monde pourri… Mais non, il était déjà trop tard et maintenant, y a plus rien à faire. Tu renaitras pas de tes cendres, tu vas rester dans ton monde et moi dans celui qui me semble si fade sans toi.

Aujourd’hui, cimetière de Green-Wood, New York

Je t’aimais à l’infini et toi, t’as rien trouvé de mieux que de me laisser en plan, de te barrer avec ta putain de maladie… Oh mon amour, si tu savais à quel point tu me manques… J’ai vendu notre maison, pardonne-moi, s’il-te-plait. Je pouvais plus vivre comme ça, te voir à chaque coin de la maison, j’y arrivais plus. Alors, j’ai choisi la solution facile, j’ai emménagé dans un immeuble qui me ressemble, y a que des dingues, mais j’en apprécie la plupart. Tu serais peut-être en colère si je te disais qu’un de mes voisins me plait… C’est mon patron par la même occasion et puis j’sais pas, je trouve qu’on se ressemble un peu. Il a pas mal souffert et moi aussi alors on peut dire qu’on se console mutuellement… On a couché ensemble quelques fois, mais juste comme ça, tout en restant amis. J’ai l’impression que ça ne marche pas si mal que ça. Par contre, je crois que je commence à m’attacher un peu trop à lui et j’veux pas encore souffrir comme ça m’a fait le coup quand t’es parti… A part avec toi, j’ai jamais eu l’habitude de m’attacher autant… J’espère que tu ne m’en voudras pas, même si moi, je culpabilise à mort pour ça. J’ai tellement changé, je pense que tu ne pourrais plus me reconnaitre… Je suis devenue différente, plus forte peut-être, mais aussi assez cynique, et je m’attache de moins en moins aux autres, à part à Noah, le patron dont je t’ai parlé. En tout cas, avec lui je n’ose pas dire ce que je ressens réellement, à propos de mes sentiments envers lui, ça risquerait de tout foutre en l’air, ça serait dommage.

Babe, j'aime trop ta fiche. La pauvre Eden, n'empêche... Mais j'suis sûr que l'bon vieux Noah va en prendre soin. /PAN/ De nouveau, j'te souhaite un bon jeu dans le coin et éclate-toi bien (u know what i mean ).



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