CHAMBRE 241, SOLAMAR HOTEL, San Diego.
Ils se sautèrent dessus comme des animaux, des fous furieux, deux barres de twix, deux être noyés qui respirent seulement par la bouche de l’autre. … Beurk. La je viens de me traumatisée toute seule. De fois je me dis que j’ai un don. Mais c’est vraiment vrai. Quand ma mère me le raconte, c’était romantique et sensuel, plein de la tendresse de se retrouver. Quand mon père le raconte, c’était un coup tiré avec sa maîtresse pendant que sa femme était à son cours de yoga. J’ai tendance à beaucoup plus croire mon père que ma mère. Toujours croire un homme quand il est question de sexe. Les femmes ont trop tendance à tout enjoliver. Sérieusement.
Brefouille. Vous l’aurez compris, ma mère était la maîtresse de mon père, marié à cette époque à une femme … Belle ? Peut-être. Je ne l’ai jamais vu, dans le fond. Juste entendu parler lors des disputes incessantes de mes parents. Mais ça c’est pour plus tard. Là nous parlons de l’après-midi où je fus conçue. Mes parents ont donc … Jouer au scrabbles, pendant un bon moment avant de se calmer. Je ne connais pas les détails et refuse de les imaginer, alors vous le ferez vous-même. Moi je décroche. Après ils sont restés un moment à reprendre leur souffle. Puis il s’est rhabillé, l’a embrassé et s’est barré. Tellement romantique, en effet. Voila pourquoi j’ai tendance à plus croire mon père que ma mère.
Une fois seule dans la chambre, elle s’est levée, dans sa tenue d’Ève. Après ça, ses versions changent à chaque verre d’alcool. Une fois elle a dansé, une fois elle a chanté, une fois elle allé près de la vitre et à regarder la ville, une fois elle a appeler le service de chambre et à refait une partie de scrabbles avec le mec qui est venu lui apporter sa bouteille. Une fois cet homme est même devenu une femme. Le pauvre, ça a du être vraiment traumatisant pour lui. Vous l’aurez compris, j’ai pas la version exacte. Et vu que je refuse de savoir le reste, je ne me suis pas concentrée là-dessus. Aucun intérêt pour moi.
Mais cette nuit là est surtout importante car c’est cette nuit là que je fus conçue. Si si c’est très important. Comme ça vous comprenez dans quel merdier mes parents m’envoyaient, à cause de cette aprèm’ au Solamar.
CHAMBRE 313, HOPITAL, San Diego.
Alors que le médecin sortait la fameuse phrase que tout gynécologue est amené à dire (« Poussez madame, poussez ! ») et que mon père le répétait comme un perroquet, debout à côté du lit, ma mère elle maudissait ce dernier comme si sa vie en dépendait. Elle évacuait comme ça. En le maudissant et en lui serrant la main tellement fort que je suis quasi sûre qu’elle est devenue bleue. Mon père est un schtroumf les gars !
Je m’emballe. On est donc neuf mois après l’après-midi scrabbles, et c’est moi que ma mère se donne du mal d’expulser. Je trouve tout ce que je vous raconte vraiment dégoûtant, mais c’est quand même une étape importante de ma vie. Bah ouais, c’en est le début ! Mais j’étais là sans être là donc je vais vous éviter les détails encore une fois. Il y a des choses dans la vie qu’on préfère ne pas expliquer. Ca restera un mini mystère.
Toujours est-il que je suis née ce jour là, après quelques heures. Skylar Lee Georges Davis. Magnifique nan ? Je ne sais même pas pourquoi ils m’ont mis un nom de garçon à la fin. Je ne comprendrais jamais mes parents, vraiment. Déjà à ma naissance ils étaient bizarres. Mais bon. Ils m’ont donné la vie, je n’ai donc rien à dire là-dessus. Donc je me tais et je hoche la tête en souriant quand on me parle d’eux, histoire que ça passe plus vite.
Dans la chambre d’hôpital, il y eut pendant les trois jours où je fus là, très peu de visite. Ils avaient chacun peu de famille, et du coté de mon père et bien … Personne n’était vraiment au courant. Il était toujours marié, je vous rappelle. Donc bon. Il n’y eut que ma mère et moi. Mon père parfois. Il passait en coup de vent. Si vous voulez la vérité … Il n’a pas divorcé avant un an, quand sa femme a appris qu’il était père d’un bébé. Un sacré lâche quand même mon papa. Mais on l’aime quand même… Je suppose.
CHAMBRE DU FOND, APPARTEMENT DE CECILY, San Diego.
Ma première chambre, mesdames et messieurs. Une petite pièce, toute rose. Murs roses, lit rose,meubles roses, tapis rose, peluches roses, posters de licornes roses, vêtements roses soigneusement pliés dans les armoires roses elles aussi. Et oui. Une fille veut dire rose, dans la tête des parents. Allez savoir pourquoi. Je n’ai rien contre le rose mais là y avait overdose de bisounours. Malheureusement je n’avais que quelques jours et je n’étais pas en position de protester. Seulement de produire des sons bizarres que ma mère trouvait trop chous et dont j’ai passablement honte aujourd’hui.
C’est dans cette chambre que ma mère m’a donne son premier conseil. Elle m’en donnerait beaucoup d’autres, dont je ferai un cahier d’ailleurs. Ca peut toujours servir. Mais le conseil qu’elle me donna ce jour là fût très simple, très pratique.
« Ne couche jamais avec un homme marié, sauf si il retire son alliance. »
Mais oui maman. Bien sur. Je n’ai pas que ça à faire, du haut de mes cinq jours, tu sais. Je gazouillai comme les bébés savent le faire et hop, c’en était fini de la minute Conseil de Maman. Tellement utile comme conseil, vraiment.
DEUXIEME CHAMBRE A DROITE, PREMIER ETAGE DE LA MAISON DES DAVIS, San Diego.
Un an après, mon père avait enfin quitté sa femme. Ou plutôt, elle l’avait quitté et ça avait pas été très beau à voir. Il s’en était pris plein dans la tête, le petit papa. Comme quoi c’est vraiment amusant parfois, le karma. Après l’engueulade royale, il avait acheté une maison en banlieue, et ma mère et moi étions venues nous y installés. Ma chambre était blanche, au lieu de rose. C’était pas plus mal. Le changement c’est la vie, non ? Et je commençai à pleurer des larmes roses à force d’en être entourée toute la journée. Le blanc c’est beaucoup plus neutre.
Et je ne savais pas ce qu’était un asile à cette époque, donc j’ai pas tiqué. Je me suis habituée à ma chambre blanche comme neige. Après Kiki au pays des Bisounours, voici Kiki chez le Père Noël. Ironiquement parlant, bien sur. Oui oui c’est à cette époque qu’ils ont commencés à m’appeler Kiki. Ca à fait Skylar > Sky > Ky > Kiki. Allez comprendre. La logique parentale m’échappe complètement, comme je vous l’ai déjà dit. Mystère de l’existence, j’ai lâché et je m’y suis juste fait.
Tout ce que ça a provoqué comme traumatisme, c’est que pendant plusieurs semaines, j’ai vraiment cru m’appeler Kiki. Pauvre enfant innocente que j’étais alors. La vie était belle au temps où je n’étais que Kiki …
Nous sommes restés longtemps dans ses maisons. Quatre ans, en fait. D’accord c’est pas tant que ça, mais c’est mieux que rien. Durant c’est quatre ans, il y a eu des changements. On a ajoutés des couleurs à la chambre. Peluches, couvertures, livres, vêtements, jouets. Pas que du rose non plus, heureusement. Je crois que c’est à cette époque que mes parents ont enfin compris que je pouvais supporter la vision de plus d’une couleur.
Chacun son rythme, je suis pas là pour juger !
Et aussi, élément important, c’est dans cette chambre que j’ai appris que j’allais avoir une petite sœur. Même si je ne comprenais pas bien le principe, ça me dérangeait pas trop. Maman prenait du poids, mais ça c’était pas trop mon problème. J’étais un peu jeune pour lui dire de faire un régime, quoi. Alors je rebaissais les yeux et je continuais de jouer avec Barbie, lui faisant des méga cheveux de sorcière. Plus marrant qu’un beau brushing !
CHAMBRE DU DEUXIEME ETAGE, MAISON DES DAVIS SAISON 2, San diego.
Deux lits, un normal, un de petit bébé. Je pensais qu’il était pour ma poupée, mais en fait non. On y mit … Un petit truc, avec des cheveux courts, tout fripé et tout moche. C’était ça une petite sœur ? Mais non merci, j’en veux pas moi ! Je le dis à ma mère qui rit, trouvant ça drôle apparemment. Non mais oh. J’allais voir mon père qui réagit pire encore ; il soupira avec un « Moi non plus. ». Au moins mon papa il me comprends ! Mais il ne faisait rien pour faire partir ce petit machin.
Petit machin auquel je finis par m’habituer. On ne peut pas dire que je l’aimais vraiment, mais je ne le détestais plus. On l’appelait Capuche. C’était quoi ça comme nom ? Capuche. N’importe quoi. J’appris plus tard (au moment où j’appris que je m’appelais Skylar en réalité) que son nom était Capucine. Mais comme j’avais hérité de Kiki, elle avait finit avec Capuche. La logique parentale ça vaut vraiment pas un clou, sans déconner.
C’est dans cette chambre là que nous avons grandies, toutes les deux. A mes 15 ans, quand elle en avait 11, nous y étions encore. Pas la peine de préciser qu’on se tapait dessus à longueur de journée. On s’entendait certes bien, mais vivre tout le temps avec une personne, ça vous rend barge.
Et il y a précisé aussi qu’on passait beaucoup de temps dans notre chambre. Entre temps, notre père s’était mis à boire beaucoup. Il n’arrêtait pas de radoter sur le passé, sur le fait qu’il avait foiré sa vie en couchant avec notre mère, qu’il aurait du s’abstenir. Par conséquent il nous rejetait aussi mais on évitait de s’attarder sur ça. Notre mère elle faisait l’autruche. Elle refusait de voir que son mari avait des problèmes. Elle vivait sa vie, toute heureuse, racontant des histoires aux réunions parents professeurs, pour expliquer l’absence de son mari. Qui en fait était juste entrain de se saouler dans un bar quelconque.
J’avais une chouette vie vous trouvez pas ? Ouais je pense pareil. Et j’ai du attendre mes dix huit ans avant de m’enfuir, enfin. Abandonner ma sœur fût plutôt dur, mais je ne supportais plus la vie que je menais. Alors j’ai posté ma candidature dans une université à New York. Et quand j’ai été acceptée, j’ai fais mes valises et je suis partit en courant presque.
CHAMBRE 64, DORTOIR MIXTE DE L’UNIVERSITE DE NEW YORK, New York.
Dernier jour d’études. Je venais de finir mon cursus en art et photographie. J’avais passé un entretien et été embauchée comme photographe stagiaire pour un magazine de mode. Il ne me restait qu’une chose à faire. Trouver un endroit où vivre. J’avais pas mal d’argent en stock, et ça devrait encore aller pour payer un loyer et le meubler.
Assise sur mon lit, j’avais feuilleté des centaines d’annonces sans trouver mon bonheur. Avant de tomber sur l’Immeuble avec un grand i. Coup de foudre ? Peut-être. Mais c’est là que je voulais aller.
APPARTEMENT 52b, DINGO STREET, Manhattan.
La première fois que j’ai mis les pieds dans cet appart, j’ai su que je voulais l’avoir. J’avais croisé des voisins dans les couloirs, et j’adorais l’ambiance de l’immeuble. On se prenait pas la tête au moins, et je ne demandais que ça ! J’ai signé le bail, j’ai débarqué. Je me suis acheté un chat. J’avais enfin mon chez moi et pu…rée, ça faisait du bien !
Amoureuse de Dingo Street moi ? Peut-être bien oui. Mais quand tu croise, enfin, des gens aussi tarés, ou encore pire, que toi … C’est tellement plus agréable à vivre ! D’ailleurs, je dois vous laisser. J’ai raconter mon histoire, tout le monde est content. Mais j’entends la musique en haut et il faut absolument que j’aille voir ! A la prochaine les cocos !
Kiki.