Cher journal,

Maman m'a offert ce carnet pour mon anniversaire. Elle a dit que je pourrai y écrire tout ce que je voulais, que ce serait mon jardin secret, que personne ne viendrait lire ce que je noterai. Elle m'a expliqué, qu'elle aussi avait eu un journal pour ses dix ans, et je crois qu'elle veut que je lui ressemble sur ce point à défaut de ne pas avoir de ressemblance physique avec elle... Pourtant Maman est très belle avec sa longue chevelure brune et ses yeux verts, personne n'est plus belle qu'elle, même si elle croit que si.
Aujourd'hui j'ai eu dix ans. J'ai eu une pile de cadeau qui ne me serviront jamais : des poupées, une tête à coiffer... Tout un tas de chose dont je ne me servirai jamais. J'avais demandé à Papa de m'acheter ce petit coffret de peinture mais il ne m'a pas écouté comme d'habitude.... Mon père est toujours trop occupé avec son travail pour faire attention à moi, même si j'essaye de le rendre fière par tout les moyens : j'ai de bonnes notes à l'école, je suis sage, je ne fais pas de bêtises (ou pas devant lui en tout cas). Je me suis même déjà demandé si il m'aimait, à voir son regard sévère constamment posé sur moi, je me pose la question...

Cher jounal,

C'est certainement très con à écrire, mais tu es bien le seul à savoir me réconforter. Quatre ans ont passé depuis que Maman t'as offert à moi et depuis les choses ont bien changé. Je sais que je ne te confie pas toujours tout, et que j'ai eu de longs moments d'absence, mais la vie a été si compliqué dernièrement que je n'ai tout simplement pas pu.... Maman nous a quitté. Le cancer l'a emporté au ciel, elle est loin de moi et j'en ai le cœur en miette. Le seul rayon de soleil de ma vie s'est envolé... Je revoie encore son sourire illuminer mes tristes journées, alors que maintenant seul le regard noir de mon père me poursuit. Je n'ai qu'une hâte partir de ce manoir lugubre. Quitter cette vie pour en construire une nouvelle.
Mes nuits sont aussi froides que la neige qui tombe encore sur Moscou. J'en ai assez de voir sans cesse ces perles blanches descendre du ciel. Elle me rappelle trop Maman qui riait toujours lorsqu'elle pouvait s'amuser avec... C'est trop dur de vivre ici alors qu'elle n'ait plus là.. J'ai besoin d'elle tu comprends ? Elle me manque tellement...

Cher journal,

C'est la panique.... Dix sept ans, une première fois et je crois bien que j'ai fait la pire connerie de ma vie. J'ai du mal à écrire tellement j'ai peur. A coté de moi se trouve un test de grossesse, j'attends le résultat fébrilement. Jamais je n'ai eu aussi peur de ma vie. Je ne veux pas de ce gosse, je veux pas être mère. Je ne peux pas, c'est juste impossible. Je n'aurai même pas le temps de tenir cet enfant dans mes bras que mon père me tuerait... Si il savait, je passerai le pire moment de ma vie.

Cher journal,

Je n'ai pas eu la force de me rendre dans ce centre d'avortement. Je sais que je porte ce petit bout de vie en moi, et je ne peux pas me résoudre à le détruire. Je suis au pied du mur. Hors de question que je parle de tout ça à mon père, je vais devoir me débrouiller seule. J'ai quasiment vidé mon compte en banque hier... Je vais partir comme je l'avais prévu il y a si longtemps de cela et puis je donnerai cette enfant, pour qu'il est une vie meilleure. Il n'a pas besoin d'une mère comme moi, je ne mérite pas un petit bout, je ne pourrais pas l'assumer, il sera mieux avec un couple, une famille. Sa famille. J'ai aussi pour projet d'acheter un billet pour New York. Une fois que j'aurai mis au monde cet enfant qu'il aura été adoptée je partirai. Je quitterai enfin cet enfer... Je vivrai à nouveau. Adieu la Russie.

Cher journal,

Je suis enfin dans cet avion, ce vol, cette liberté que j'attends depuis si longtemps. J'ai accouché il y a un mois de cela.... J'ai mis cet enfant au monde, ce petit garçon. La seule qu'il gardera de moi c'est le prénom que je lui ai donné. Even. Et encore il ne saura probablement pas que c'est moi qui lui ait donné. Je l'ai confié à ce couple avec qui j'avais pris contact. Il ne pouvait avoir d'enfant malgré leur envie et je suis sûre qu'ils s'en occuperont parfaitement bien. Pourtant quand je leur ai confié, j'ai senti cette déchirure se former en moi et je sais qu'elle ne me quittera jamais. A la fois je m'en veux de l'avoir abandonner, à la fois je me dis que c'était la meilleure chose à faire pour lui... Je ne sais pas, j'ai peut être eu tord... Mais aucun retour en arrière n'est possible. Je n'ai pas pris de billet de retour, je tourne définitivement la page de mon passé.

Cher journal,

Voilà maintenant cinq ans que je suis installée à New York, la vie ici est totalement différente de celle en Russie. Je n'ai de compte à rendre à personne. Moi seule décide de ce que je fais et de quand je le fait. Je n'ai pas de nouvelle de mon père, je crois que mon existence lui importe peu. Je pense souvent à Mamant ici, énormément de chose me font penser à elle et j'aurai aimé qu'elle soit là avec moi...
Je me suis lancée dans des études de médecines depuis mon arrivée, j'entame mon année d'internat et je n'ai qu'une hâte m'y mettre enfin. J'espère que j'arriverai à devenir pédiatre, ou sage femme peut être... Je ne sais pas encore. En attendant à coté du temps que je passe à étudier, je m'éclate. Je ne veux plus avoir de regret comme avant, alors je vis ma vie à 200%. Même les trucs les plus fous je les fait, je ris encore et toujours. Je m'amuse ce que je n'ai jamais pu faire avant. Je vis enfin. Et je ne compte pas m'arrêter de si tôt.

Son histoire est triste La pauvre petite Eva quoi En tout cas tu écris super bien



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